Capite sur le chemin du Moulinet
7 ERIC
Eric, c'était l'ainé de nous quatre. A l'EPFL de Dorigny, inscrit en génie civil, il avait obtenu son bachelor en trois ans ; puis, pendant qu'il préparait son master en deux années supplémentaires, le Poly de Lausanne ouvrit son campus à tous et, guidé par lui, toute la famille avait visité, devinez quoi : Le laboratoire en transport et mobilité où chaque membre avait conduit, à tour de rôle, une locomotive virtuelle, commandé tout un système de signalisation ferroviaire ; notre père était aux anges car, vous l'aviez deviné, il était cheminot ! Ensuite, toujours sur le site du Génie Civil, tous se sont rendus dans le Laboratoire de construction hydrauliques où était installé, dans une vaste halle, un monde en miniature : barrages, centrales électriques, conduites d'eau et rivières. « C'est comme chez nous ! » s'exclama le deuxième fils. Celui-ci faisait un apprentissage de mécanicien sur voiture. Faire tourner un moteur était sa passion, et peut être aussi toutes les roues qui tournaient, avec ou sans eau.
Pour acquérir d'avantage de pratique, Eric partit à Zurich ; là on lui proposa de rejoindre une équipe d'architectes et d'ingénieurs, travaillant aux Indes pour une firme européenne. Plancher sur un projet de voie ferrée devant relier Bangalore à Hyderrabad et de cette ville à Kanpur, l'enthousiasma. En choisissant ce métier, il savait qu'il ne trouverait pas de travail en Suisse où les programmes liés au forage des tunnels dans les Alpes et la construction de ponts pour les auto-routes étaient presque complets, il fallait donc s'expatrier. Il était prêt.
Une fois sur place, Eric découvrit que l'Inde était un pays encombré de lois administratives qui freinaient la modernité et quand on obtenait enfin les autorisations de construire, voila que dans le désordre qui régnait, un village s'était construit sur le tracé prévu ; il fallait tout recommencer. De guerre lasse, au bout des millions déjà dépensés, l'entreprise jeta l'éponge, au bord de la faillite.
Se voyant offrir une autre opportunité, il se rendit en Egypte où un immense projet de développement rail-route, pour ne pas dire pharaonique, était en voie de planification entre le Caire et Assouan, sur la rive gauche de Nil. Mais au paravant, Eric du se rendre aux Etats Unis pour acquérir les techniques de constructions dans le sable : ancrages, piliers, suspensions, renforcement des digues pour contenir les crues du Nil. Ce projet de mur sur le futur tracé fut abandonné car, fort heureusement, un entrepreneur Egyptien fit remarquer que l'eau ainsi refoulée se déverserait brutalement plus bas, inondant la ville d'Assiout.
La question était encore de savoir s'il fallait construire des doubles ponts rail-route ou deux ponts côte à côte; ces derniers s'avérant beaucoup plus couteux, la Compagnie opta pour des ponts doubles à chacun une voie, non pas sur mais au-dessus des terres arables, car ces terres-là étaient précieuses, il fallait les conserver puisqu'elles n'existaient que le long du Nil. La difficulté était de calculer au plus juste le poids de leur construction, la solidité des piliers de soutènement sur un terrain mouvant, la force des vents. Deux groupes d'ingénieurs travaillèrent séparément sur les plans ; Eric participa au premier projet qui était sobre, le deuxième surprenant et magnifique. Enfin le premier fut choisi, pour des raisons financières, en y incorporant certaines astuces du second. Louksor et Assouan étant sur la rive droite du Nil, il fallut encore prévoir deux immense ponts suspendus au-dessus du fleuve pour les relier à la route. Deux ans plus tard, les autorités égyptiennes avaient enfin accepté les plans.
Un chantier de 8 ans se mit en branle, 10000 ouvriers y participèrent et Eric ne revint chez ses parents que rarement. A chaque fois il était plus basané, le visage buriné par le soleil, ses cheveux tournant déjà au gris, mais heureux, marié là-bas avec une Egyptienne avec laquelle il eut trois enfants. Bien sur sa mère regrettait de ne pas les voir plus souvent, ainsi était la vie. Attaché à ce pays, à sa femme, à d'autres projets de constructions, il ne revint pas vivre en Suisse ; il avait pris goût aux grands espaces et plus encore à la vie au Caire dans sa maison de fonction où il retournait régulièrement une semaine sur trois et pouvait ainsi suivre le développement de ses enfants.
Qui aurait prédit cela ? Personne de la famille en tout cas ! Lors d'une de ses présences, Eric nous parla du barrage d'Assouan qui réglait le débit des eaux selon les demandes en électricité. Ainsi le Nil ne faisait plus les même crues qu'au temps de sa liberté ; dès lors, Il inonda des zones qui ne l'étaient pas au paravant, noyant le bétail et certains petits villages, ses habitants souvent avec, mais qui s'en préoccupait ? Personne ! Ce n'est pas comme certains pays européens où les gens sont bardés d'assurances risques en tout genre. De plus, nous apprit-il, si d'un côté il y avait trop d'eau, d'autres régions, par contre, n'en recevaient plus et les paysans étaient alors sans récoltes, condamnés à quitter les lieux pour un avenir meilleur ; on peut toujours rêver... Ainsi la modernité a un prix dont on n'est pas toujours informé.
Maison du four à pain, Chexbres
8 PEN
Pen est donc la troisième de 4 enfants, elle vit dans une petite ville de la Riviera Vaudoise, habite une ancienne maison en bordure de la voie ferrée. Le train n'a jamais dérangé quiconque, il ne passe que deux fois par heure, trois rames légères qui n'amènent que très peu de monde dans la halte qui domine son chez elle ; il s'endort vers 22h pour ne recommencer son va et vient qu'à 6h, moment auquel tout le monde se réveille. Il y a quatre ans cette ligne a été rachetée par les CFF qui, dès lors, fait circuler des trains marchandises pendant la nuit ; Maintenant plus personne n'y prête attention, sauf parfois en été lorsque les fenêtres sont grandes ouvertes, ces convois étant lourdement chargés et bien plus bruyants.
La vie de Pen est très liée aux trains, gares et voies ferrées, car elle vient de loué un local à côté de la gare principale pour y exercer sa profession avec trois autres personnes qui ont le même métier. Avant de choisir cet endroit, elle a murement réfléchit : à savoir si elle allait utiliser la même pièce que son grand-père dans leur maison. Mais elle décida qu'il valait mieux séparer la vie familiale de la vie professionnelle et plus encore de son don. Et puis il y a Ramon dont la présence peut être dérangeante.
Après son bachelor en sciences HE-S0, Pen vient de rentrer de Suisse Allemande où elle a fait une formation de thérapeute par la respiration donnée par Ilse Middendorf. Elle a obtenu son diplôme après trois ans seulement au lieu de quatre grâce à sa formation de physiothérapeute ; ainsi, elle a accomplit ce que les êtres aimés et aimants attendaient d'elle : devenir une professionnelle dans le domaine des soins, avec diplômes reconnus avant d'y ajouter son don particulier ; mais que d'efforts elle a déployés et va continuer à vivre pour utiliser « ses deux vies » au service des autres, éviter les erreurs de son grand-père.
De Suisse-Allemande, Pen n'est pas revenue seule : petit Ramon l'accompagne, son fils adoré, qu'elle élève seule, son ami de l'époque ayant disparu en laissant un simple mot sur la table de la cuisine disant « Je rentre dans mon pays où il n'y a pas de place pour nous deux. Je t'embrasse, je t'aime, Ramon. » Pas d'adresse, pas de téléphone, son portable répondait d'une voix monocorde « Ce numéro n'existe plus ». Faire des recherches jusque dans ce pays lointain est impossible, il ne reste plus qu'à tourner une nouvelle page. Mais son fils lui rappelle chaque jour son ami avec sa peau si belle, dorée et douce, des cheveux noirs de jais, de longs cils recourbés au-dessus des yeux ronds et si sombres les jours d'orage, comme lui. Pour savoir que faire, garder l'enfant ? Avorter ? Pen recouru à l'avis de sa mère qui accueillit l'idée d'un petit-fils vivant tout près d'elle avec tant de joie qu'elle lui offrit de venir habiter l’appartement de grand-père. Quel soulagement de l'avoir sous la main pour Ramon pendant les heures d'ouverture de son cabinet : trois jours par semaine de 7h à 18h, pour la physio, un matin et un soir pour la technique respiratoire, ajouté un cours de gymnastique qu'elle donne à des groupes dans le collège voisin et proposer des séances de revitalisation lors desquelles elle utilise son don. Elle est souvent appelée par des directeurs d'usines, manufactures, administrations pour enseigner quelques mouvement de détente à leurs employés stressés. Tout un programme ! Pour ne pas être dérangés le week-end, la famille a du changer leurs abonnements téléphoniques et les garder cachés. Personne ne peut répondre jour et nuit à toutes les urgences qui, souvent n'en sont pas, question d’appréciation de chacun.
« Il faut tout de même mettre des limites, bien que je sois seule dans mon genre » pense Pen, car, elle aussi, a un secret bien caché. Combien de fois a-t-elle du se retenir de le divulguer ? Même vis à vis de grand-père ! En s'exerçant chez lui, dès l'age de 18 ans, elle avait découvert qu'en passant sa main droite à 10-15 cm au-dessus du patient, en allant de la tête aux pieds, non seulement elle ressentait une brûlure et des picotements dans sa main gauche, mais également une sensation de vibrations, des ondes, des flux, des ralentissements, des arrêts subits qu'elle dut analyser : restait à savoir si cela venait d'elle ou du patient. Ressentait-elle les maux des autres ? Elle s'en inquiéta.
Le foie, la thyroïde, les reins ? Parfois elle n'entend rien. Ce mot « entendre » fit résonance dans sa tête : elle entend, elle entend les pensées de ses patients centrés sur leur maladie, est-elle télépathe ? Elle consulta Google et lu : « La télépathie est un transfert direct de la pensée d'une personne (l'éméteur) vers une autre personne (le récepteur) sans qu'un seul mot n'ait été échangé. » Et plus loin : « Pour que le phénomène télépathique se produise, il faut que le niveau du récepteur soit élevé », ce qui est bien son cas. Elle apprit aussi que l'éméteur doit être puissant, ce qui parait être le fait en présence de soucis importants focalisant les pensées des malades qui, en recherche de guérison, les amplifient. La compréhension de ce phénomène la soulagea. Que faire de ce don ? L'aider à mieux comprendre les autres ? Elle laissa ce problème de côté se disant : « J'ai toute une vie devant moi pour apprendre, pour comprendre... »
Au cours des années, elle se rendit compte que les pensées des autres contredisent souvent leurs paroles et que leurs pensées sont plus près de la vérité, ce qui la fit sourire plus d'une fois ! C'était également utile pour mettre fin à une relation boiteuse ou pour, au contraire, décider de l’approfondir. Découvrir ce qu'on lui cache, c'est fort utile dans son métier, parfois désagréable dans la vie courante, mais ça renforce sa décision de se taire, à garder le silence, porter seule la responsabilité d'une telle situation. Elle ne chercha pas à rencontrer d'autres personnes ayant les mêmes dispositions qu'elle, elle ne pouvait plus augmenter son temps d'occupation déjà surchargé, ou il aurait fallu le prendre à celui qu'elle consacrait à des personnes de son entourage, impensable !
9 L' APPART
Pen ne savait comment exprimer le sentiment jubilatoire avec lequel elle installa l'appart de son grand-père. Elle commença par la véranda, sa pièce préférée ; là était resté un vieux et large fauteuil en rotin, elle en trouva un deuxièmes aux « Puces », un peu différent, mais quelle importance, en y ajoutant à chacun d'eux un gros coussin neuf à larges rayures roses et vertes, le tour était joué ; elle s'y installa avec délectation même si l'endroit ne donnait que sur la rue et le garage Auto-Sprint en face. Elle étendit les jambes et allait s'évader dans un rêve éveillé lorsque des petits pas maladroits, une chute, des pleurs, la firent sursauter.
Revenue à la réalité du moment, Pen prit son fils par la main et lui fit visiter les lieux. D'abord sa chambre, elle lui présenta son lit, pour le moment encore entouré d'une barrière bleue, une petite table, une chaise basse, quelques jouets, surtout des peluches qu'il adorait, une étagère avec ses premiers livres d'animaux sur cartons épais. Elle ouvrit la fenêtre et lui montra le jardin de grand-maman en-dessous, un jardin magique peuplé de gentilles fées, d'arbres et de buissons, qui avaient besoin d'être taillés entre nous soit dit, et sous lesquels il se construirait une cabane ; Ramon battit des mains, trépigna d'impatience sur ses courtes jambes et tomba une fois encore, mais voyons il n'avait encore qu'un an, il était terriblement avancé pour son age pensait fièrement Pen (mais toutes les mères ne pensent-elles pas ainsi ?). Devenu grand, Ramon trouverait ce jardin de tous ses rêves bien minuscule, il en avait été ainsi pour elle.
Pen abandonna son fils pendant qu'il prenait possession de sa chambre et pénétra religieusement dans la longue pièce du nord où grand-père recevait ses patients, où ensemble ils eurent tant de discussions, où elle avait fait ses premières expériences de guérisseuse sous son regard attentif, transmettant les forces mystérieuses de l'au-delà. Les étagères avaient conservé tous ses livres, la grande armoire de chêne qu'elle ouvrit contenait des masses de dossiers. Pen en consulta quelques uns et ce qu'elle découvrit la stupéfia : grand-père y relatait l'historique de ses patients, notait les mieux ressentis de ceux-ci, les difficultés rencontrées par lui et par eux ; les marges étaient couvertes de nodules de sa main ; grand-père lui en avait caché l’existence, c'était presque incroyable ! Elle se demandait si c'était une surprise qu'il lui avait réservée, comme un héritage précieux, prévu de longue date et dont il dirait de sa voix devenue rocailleuse « Tu vois petite, je suis tout de même un peu professionnel ! »
Consulter toutes ces notes, c'était bien son intention, mais elle se prit à réfléchir à tout ce qu'elle avait à faire : Organiser la vie de son petit Ramon, discuter avec sa mère pour convenir des jours et des heures pendant lesquels il irait chez elle, toujours prête à le garder. En plus, il était manifeste qu'un courant de tendresse s'échangeait entre elle et Ramon, c'était beau à voir ; Ramon sera certainement heureux avec elle, ainsi les journées d'absence de Pen ne seront pas trop douloureuses.
Ensuite, elle passa dans son ancienne chambre sous le toit, ouvrit la porte-fenêtre pour l'aérer, cette chambre qui donnait sur un petit balcon et la rue ; elle descendit ses affaires au premier. Elle proposera à son jeune frère de la prendre pour lui. Cette chambre est plus gaie que la sienne ouvrant au-dessus de l'entrée, mais tout changement dans sa vie le perturbe, peut-être préférera-t-il y rester ; alors elle en fera une chambre d'amis, pour ceux et celles qui viendront de Suisse-Allemande ou des membres de la familles.
Maintenant organiser son cabinet, décrire les prestations qu'elle avait à offrir. Ecrire n'était pas son fort et elle mit plusieurs semaines avant d'être satisfaite de sa présentation. Ensuite il fallait qu'elle fasse sa pub, entreprenne la tournée des médecins, des hôpitaux, il y en avait trois dans sa petite ville, rien que ça ! Puis elle songea à faire un site internet et là, attention, il s'agissait d'être prudente et de peser trois fois un mot avant de l'écrire ; celui-ci ne vit jamais le jour, les circonstances allaient modifier sa vie une fois encore.
Sautant du coq à l'âne, elle se dit qu'il était urgent d'acheter un congélateur pour la cuisine, totalement abandonnée à son état premier d'il y a 80 ans. Elle regarda, en souriant, le salon-salle à manger avec son vieux dressoir 19e, la grande table familiale rectangulaire, beaucoup trop grande pour elle et son fils, le tapis élimé, des tableaux aux cadres absurdes et vieillots, le papier peint aux fleurs passées. Il y aura bien des changements à entreprendre, mais elle n'en aura pas le temps ; alors, pourquoi ne pas garder ces souvenirs de sa jeunesse ? Elle verra à l'usage ce qui manque ou ce qui est en trop, ainsi pas de hâte, moins d'erreurs.
Pen se sentait heureuse dans cet environnement ; l'ombre d'une présence bienfaisante semblait flotter en tout endroit, l'envelopper dans une quiétude douce, apaisante, voire sécurisante.
Comment pourrait-elle dire merci à son grand-père ?
Vous qui lisez cette histoire, écrivez à Pen pour lui dire de quelle façon
elle pourrait remercier son grand-père…
Pavot peint dans un jardin de la route du Signal à Chexbres
10 DE L'ORDRE !
Pen consacra de nombreuses heures à élaborer des dépliants présentant ses diverses offres de soins. Elle avait décidé de tout réunir, de tout faire savoir, n'ayant rien à craindre de cette diversité, tout à gagner de leur union ; à chacun de choisir l'une ou l'autre des prestations, ou pourquoi pas, deux à la fois, tout était possible ; d'ailleurs elle encourageait ses patients à participer à son cours de gymnastique respiratoire en soulignant le fait qu'il fallait aussi se prendre en charge soi-même, ne pas tout attendre des médecins et des physiothérapeutes qui, eux aussi, ont leurs limites. Participer à son propre mieux être est enrichissant à tout point de vue.
Restait un problème à résoudre : canaliser les demandes et avoir suffisamment de temps pour tout exercer. Elle engagea une téléphoniste quatre matins par semaine pour répondre au téléphone, planifier les rendez-vous, expliquer le comment de chaque chose, tenir les registres. Cette femme était un vrai cheval de bataille et parfaite pour protéger sa boss des importuns, Pen l’apprécia énormément.
Ainsi avait-elle fixé des jours précis pour la physiothérapie, d'autres pour la thérapie respiratoire d'Ilse Middendorf, enfin des heures pour la gym qu'elle avait appelée « Respiration-Vie », plus le jeudi de 15 à 19h pour « l’antenne vibratoire » pendant lequel son don était exercé. Le mercredi était sacré : elle le consacrait à son fils. Il lui fallait aussi un horaire le plus régulier possible pour sa mère qui prenait soin de Ramon, ce dernier adorant sa grand-mère ; il était toujours joyeux de descendre chez elle qui devait lui passer certains petits caprices, ce que Pen ne faisait pas. Un de ses oncles lui avait dit « Tu vas élever ton fils seule, tu dois être doublement sévère en remplacement de son père manquant. »
PHYSIOTHERAPIE
Le dépliant concernant la physiothérapie était le plus facile à rédiger, il avait suffit d'y inscrire son titre, son diplôme de bachelor HES-SO, quelques explications telles que : La physiothérapie contribue au bien-être par le développement de l'autonomie et la réhabilitation socioprofessionnelle des personnes atteintes dans leurs mouvements.
La physiothérapie s'adresse aux personnes victimes d'un accident, à certaines maladies chroniques, sur présentation d'un certificat médical.
Elle y ajouta les jours et heures d'ouverture de son cabinet, mentionna en grand SUR RENDEZ-VOUS UNIQUEMENT.
Avant de s'attaquer à la rédaction d'un dépliant expliquant le pourquoi et le comment de la thérapie par le respire, Pen se souvint de cette mère qui attendait son tour assise au bord d'une chaise comme si elle hésitait à rester ; un garçon d'une douzaine d'année se tenait à une certaine distance d'elle, la tête baissée, les yeux toujours fixés sur ses souliers. Elle lui avait dit de but en blanc :
Je viens pour mon fils.
D'après ce que je vois, vous avez pris rendez-vous seulement pour vous.
Je suis désespérée, au bout de mes limites, vous ne pouvez pas comprendre ce que je vis.
J'ai vu ma mère tant de fois le visage tiré, les nerfs à vif, l'impatience la gagner face à l'inertie, l’incommensurable lenteur de mon jeune frère, il est autiste comme votre fils.
Comment savez-vous que mon fils est autiste, je ne l'ai pas dit ! Pen continua, tranquillement :
Depuis quatre ans mon frère vit en Institution, il s'est adapté, a fait son nid ; il travaille dans un atelier protégé où il est fier de pouvoir monter des rallonges électriques et gagner quelques argents qu'il peut dépenser selon ses envies. Il a la chance de pouvoir venir à la maison certains week-ends et nous avons alors ce temps pour être ensemble, une vraie famille, les tentions journalières ayant disparu.
Et naturellement vous ne pouvez rien faire, comme votre grand-père à ce que j'ai entendu dire.
L'énergie que je transmets ne peux pas modifier les gènes, ni en ôter un et le remplacer par un autre. Pen allait ajouter: « Mais je peux vous aider vous... » Elle fut interrompue par cette femme qui se leva comme un ressort et prit la porte, courroucée, suivie, à contrecoeur semblait-il, de son enfant trainant les pieds et toujours les yeux baissés.
Quelle tristesse pensa Pen de ne pas pouvoir se faire entendre,
l'écoute est si importante.
11 THERAPIE PAR LE RESPIRE
Généralités
La respiration réagit aux états physiques et psychiques, elle se ralentit ou s'accélère, s'adapte aux différentes situations de notre vie.
Lorsque la durée des tentions (douleurs, soucis)
est trop importante, elle agit sur le rythme respiratoire
l'empêchant d'être libre et profond.
La méthode Ilse Middendorf s'adresse à tous, préventivement ou curativement. Elle débloque les passages des énergies que nous avons fermés à notre insu lors de maladies, d'accidents, de troubles psychiques. Elle nous apprend à ressentir
et à laisser respirer notre corps,
fonction capitale.
Cette thérapie est surtout indiquée dans les cas suivants :
Affections respiratoires telles que asthme,
refroidissements, bronchites chroniques
troubles du rythme respiratoire et circulatoire
troubles digestifs
maux de tête, migraines
douleurs dorsales
troubles du cycle menstruel
insomnies
état d'épuisement, fatigue chronique
tensions nerveuses et musculaires
stress et nervosité
**********************************
En cas d'affections graves, une collaboration étroite
avec un médecin est nécessaire
Respirer c'est vivre
***********************************
viorne obier
12
Une nouvelle idée germa dans le cerveau de Pen : enregistrer des « visualisations positives » pour ses patients. Voici l'une d'elles.
LANTERNES ROUGES
un deux trois j'écoute
Je marche , je marche à flan de coteau sur le chemin de vigne, le chemin s'étire, s'étire, il s'allonge face aux Tours d'Aï.
Etendue sur mon lit, je ferme les yeux ; j'étire mon corps, ma nuque, mes lombaires, j'allonge mes jambes, je tends mes talons, pousse avec mes pieds, je laisse tomber mes jambes à droite, à gauche, détends mon dos, mes épaules, ma nuque.
J'avance sur le chemin de vigne, les ceps noirs et trapus contrastent avec les jeunes pousses au feuillage vert, vert tendre, qui frissonnent sous le souffle d'une petite bise nordique. Je regarde ces feuilles, leur découpe, leur jeunesse, je les touche dans un geste de tendresse aérienne, émue devant cette merveille. Des gouttes transparentes, rondes, épaisses, telles des perles joyeuses s'agitent, gonflent ; ce sont les dernières gouttes de sève qui montent dans ce premier printemps, qui grimpent, puissantes, des pieds de vigne jusqu'au bout de leurs rameaux taillés en février.
Toujours allongée sur mon lit, je sens cette sève nouvelle, résistante, vigoureuse, caresser la plante de mes pieds, mes racines sur la terre. La sève monte, elle coule en cinq rivières dans chacun de mes orteils ; elle irradie dans tout mon corps ; monte dans mon tronc, grimpe sur mes vertèbres comme sur une échelle, monte encore, envahit toute la largeur de ma poitrine et atteint mon thymus, elle le stimule au passage : lymphocytes, épithélium. Doucement, doucement, progressivement, elle diminue les graisses, augmente mon immunité, mes défenses.
Voilà la sève qui travaille, elle reconnaît mes cellules pour les conserver, les préserver, les diriger à bon escient. La sève jaune dorée pénètre de sa vitalité tout mon cerveau : cortex, hippocampe, va dans mon cervelet et participe à mon équilibre, à tout mon équilibre porteur de ma dignité.
L’hypophyse, l'épiphyse, l’hypothalamus s'éclairent tels des lanternes rouges, chaudes, animées, organisées : fanal rouge à tribord, fanal vert à bâbord, signalant ma présence comme celle d'un bateau. Lanterne au centre rose, lanterne au centre vert tendre, presque blanc, apaisantes, sécurisantes, veilleuses, veilleuses précieuses de l'intérieur de mon corps.
Lentement, tranquillement, je reprends ma promenade sur le chemin de vigne ; je continue à avancer et un bruit d'eau de plus en plus audible perce le silence de ce vignoble. Un pont enjambe son ravin, son eau gonflée par les pluies d'hier. Je regarde de côté et je découvre un jardin, un curieux petit jardin triangulaire, accroché au pont, suspendu au-dessus de l'eau, c'est un jardin potager ; je peux y compter les poireaux brunis aux longues feuilles pendantes de l'an passé, des choux trop élevés, une salade trop grosse, deux, trois vieux oignons et pourtant, tout est ordonné ; la terre binée, les plates-bandes tirées au cordeau, présage de futurs semences.
J'aperçois une cabane à outils, un banc attire mon regard, je m'assois, adossée à son vieux bois ; je respire, expire ; je respire l'oxygène qui s'élève de la rivière ; je respire encore, profondément, régulièrement, les myriades de fines gouttelettes dispersées par le désordre d'une rivière emballée ; elles jouent avec mes poumons, je les respire, expire, je les respire encore, je me sens saoule de printemps, partageant ce moment avec les nouvelles pousses de céleris, de carottes, de persil, de salades à tondre, ivres de renouveau elles aussi et que je remarque maintenant entre les autres ; des fleurs timides, petites taches de jaune, de bleu, de rose ; une touffe de perce-neiges attendrissante entre deux pierres ; tout le charme de ce coin de Lavaux offert dans sa simplicité comme une oasis de bonheur au voyageur pas pressé ; on a tout le temps, tranquille, tranquille, heure contemplative.
Je me sens bien dans cette contemplation de moi, dans une confiance grandissante, plus sereine, plus résistante, plus vigoureuse ; rassurée sur moi-même je reviens sur mes pas, je reprends conscience de mes forces nouvelles, je m'anime, j'ouvre les yeux.
Ecrit par Pen Pravoz, le ..... à …..
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SIGNAL DE BELMONT |
13 QUELLE EPOQUE !
Ainsi Pen enregistra de nombreuses cassettes parlant du pancréas, des intestins, des poumons ; elle avait commencé par les prêter, mais ne les voyant pas revenir, elle les vendit 10.-- et remboursait 5.-- lorsqu'on les lui rapportait, c'était mieux ! Arrivèrent sur le marché les CD qui, rapidement, l'envahirent complètement, les cassettes disparurent en un rien de temps et on ne trouva bientôt plus aucun lecteur neuf dans les magasins. Subitement, on ne parla que de télécharger livres, musique, conférences, et si tu ne sais pas faire ou ne peux pas pour diverses raisons, tant pis pour toi, tu es laissé en rade.
Etait-ce la fin du livre papier se demandait Pen en soupirant. Sa mère, qui avait déjà tant peiné à se mettre sur ordinateur, avait envie de tout laisser tomber, dégoutée par cette époque où tout allait de plus en plus vite, trop vite ; maintenant c'était le smartphone qui dominait, éliminait les autres supports. Elle se demandait, avec justesse, comment faisaient les familles de plusieurs enfants pour leur offrir un nouveau portable chaque année. Défavoriser ceux qui ne peuvent pas suivre, comme elle, donc la vieillir prématurément, ou comme ces petits salaires qui tournent avec peine, ces familles recomposées, fragilisées, les sans travail, tout ce nouveau monde qui va quérir l'aide sociale qui a de plus en plus de peine à faire face à la situation par manque de personnel et d'argent et va probablement restreindre son offre. Où va-t-on ? Vers des pauvres de plus en plus pauvres, des « sur la limite » tombant en situation précaire ? Cette situation lui faisait peur mais elle se ressaisit et se lança de plus belle dans l'aventure d'un ordi qui a une pomme sur le couvercle ; avec celui-là elle était au moins à l'abri des mails indésirables !
Pen contourna la situation présente en se procurant, sur les étalages des marchés, de vieux appareils à cassettes et les prêtait contre 20.-- qu'elle rendait à leur retour ; ça marchait bien, les gens les rapportaient même s'ils ne se faisaient plus soigner par elle. Comme quoi « les vieilleries et le porte-monnaie » faisaient toujours recette.
Que penser de cette situation dans laquelle on peut tout savoir sur tout le monde. Qui ça « on » ? La CIA ! Ils ont bien épluché tous les e-mails d'Hillary Clinton, lit-on dans les journaux. Si on se plaint des caméras perchées un peu partout, on nous répond souvent « oh, nous, on n'a rien à cacher », ce qui voudrait dire : « et toi ? » Et notre vie privée ? Arrêtons-nous là, il faudra bien faire avec ; cependant cette situation, mine de rien, pesait sur les épaules des gens, Pen s'en apercevait quand elle les recevait dans son cabinet, ils étaient plus tendus, plus anxieux et impatients qu'il y avait quelques années en arrière. Et les jeunes de plus en plus stressés, par quoi ? Elle vous le demande. Quelle époque !
14 RAMON
Un beau dimanche de juillet, on sonna à la porte de la famille Pravoz ; ce fut Pen qui alla ouvrir, ce qui n'était pas son habitude car il était décidé depuis longtemps que maman, papa s'il était là, pour la protéger des intrus, répondraient toujours. Mais enfin, ce jour-là, elle était au salon chez ses parents, sa mère occupée à faire des confitures à la cuisine ; son père, plongé dans la lecture de la revue « Les cheminots » n'ayant rien entendu, elle ouvrit donc la porte et sur l'étroit palier, au-dessus des quelques marches d'escalier, en plein soleil, se tenait un homme, disons entre 35 et 40 ans, comme elle, deux grands yeux foncés abrités sous de beaux et longs cils noirs, la peau des bras nus dorée, soyeuse... Le coeur de la jeune femme manqua un battement puis s'accéléra, subitement elle se mit à pleurer, à hoqueter si fort que sa mère arriva en courant et s'arrêta net à cette vision d'un homme qui serrait sa fille dans ses bras et la faisait tournoyer dans le petit vestibule.
Enlacés, ils entrèrent dans le salon étroit et allongé. Lui, s'inclina profondément devant celui qui allait devenir son beau-père, et, plongeant la main dans son sac de voyage, en ressortit un instrument en demi lune, tout en bois de bambou, et se mit à jouer. Perdu dans sa musique à la fois nostalgique et rythmée, il ne remarqua pas un garçon d'une dizaine d'années qui était resté figé sur le pas de la porte ; au son de la flute de pan, lentement, l'enfant se mit en mouvement, l'homme fit de même tout en jouant ; c'est ainsi, en dansant, que les deux Ramon, père et fils, firent connaissance l'un de l'autre, d'un même coeur, d'un même enchantement.
La musique d'un autre monde venait d'entrer dans la famille.
Introduit, épaulé, encouragé par son beau-père, Ramon père fit un apprentissage de mécano et trouva un emploi aux CFF comme mécano sur locomotives. Ces deux hommes passèrent alors un temps infini à parler chemins de fers, consultaient d'anciens livres qui parlaient de leur histoire à travers le monde, rêvaient ensemble de grands voyages, suivaient avec intérêt l'émission « Des trains pas comme les autres » à la télévision. Deux cheminots dans la famille, c'est pas mal !
Ramon s'adapta bien à son nouvel environnement, il était facile à vivre ; seulement, parfois, ses yeux déjà bruns s'assombrissait subitement, prenaient des teintes d'orage : il pensait à son pays lointain, à ses montagnes, ses hauts plateaux balayés par les vents, ses vastes plaines, ses forêts profondes, inextricables ; il revoyait alors son village, ses parents vieillissants, réfléchissait aux innombrables conflits qui secouaient son pays. Il ne voulait pas, ne pouvait pas comparer celui-ci avec le bonheur qu'il vivait maintenant.
Bégonia, Chexbres
15 UN PAYS LOINTAIN
A la demande répétée et tant espérée de Ramon junior, Pen, son mari et leur fils entreprirent un long voyage de 13 heures de vol pour atterrir près de la capitale de ce pays lointain, le pays de Ramon sénior. Ils visitèrent des musées archéologiques, historiques, celui des pierres précieuses. Ramon loua un gros 4x4 qu'ils remplirent de tissus pour confectionner pantalons, robes, vêtement d'enfants, des viandes séchées et fumées, graines de manioc, petits plans de tomates, haricots, piments et autres qui pouvaient pousser dans cette basse vallée où ils allaient se rendre ; ils ajoutèrent des pots de peinture, des outils, des couvertures pour la nuit car ils allaient devoir dormir dans la voiture.
La route, le long du fleuve, se transforma bientôt en piste de terre, traversa des villages de plus en plus pauvres. Pen remarqua qu'ils n'étaient habités que par des femmes, des enfants et des vieillards. « Oui, fit Ramon sénior, il n'y a pas d'avenir ici et dès qu'ils sont en âge de voyager, les jeunes partent tenter leur chance dans les grandes villes, rares sont ceux qui reviennent. » Il n'ajouta pas qu'un grand nombre y perdaient la vie ou tout au moins leur dignité.
La pelle emportée fut utile pour boucher les trous de la piste et la scie pour couper en deux les arbres tombés en travers. Moulus après avoir passé deux nuits dans la voiture, réveillés plusieurs fois par des bruits, des cris d'animaux inconnus, arrêtés par une troupe d'hommes à laquelle ils durent donner de l'argent, suisse, pour en calmer l'ardeur guerrière ; cette monnaie était très appréciée dans un pays où le peso n'était pas à l'abri d'une dévaluation subite ; d'ailleurs, que faire d'autre contre un groupe armé et prêt à en découdre ? Ramon sénior l'avait bien prévu.
Trois jours plus tard ils arrivèrent au village natal, berceau de la famille Alvodo, celle des deux Ramon. La réception fut mitigée, balançant entre la joie de revoir leur fils, embrasser leur petit-fils et leur surprise en faisant connaissance de leur belle-fille si différente d'eux.
Pendant quelques jours, les hommes s’affairèrent à réparer le toit de la maison, très basse sur son assise de pierres irrégulières et de paille, avec les planches que les visiteurs avaient apportées arrimées sur le toit de la voiture ; puis repeindre les volets, consolider l'enclos des chèvres. Pendant ce temps les deux femmes, à la cuisine, essayaient de se comprendre avec les mains ; Pen se sentait si inutile dans cet environnement. Un matin El Pape se leva, grelottant de fièvre ; les jambes ne le portant plus, il dut s'aliter. Pen, assise à côté de lui, et sans réfléchir plus loin, souleva les hanches du malade, y passa sa main gauche qui se mit à chauffer, pendant que sa main droite descendait tranquillement au-dessus de lui, allant à droite, à gauche, comme guidée par l'autre ; arrivée aux pieds, sa droite se ferma, s'ouvrit et spontanément jeta le négatif. Son beau-père ne tremblait plus, les couleurs revenaient lentement sur son visage, deux heures plus tard il put se lever. La Mamé, qui avait assisté aux gestes de sa belle-fille, lui prit les mains et les embrassa avec reconnaissance et un zeste de déférence, au point que Pen se sentit gênée.
Dans l'après-midi, deux, trois paysans des environs apparurent, puis tout un groupe, une quinzaine de personnes se massèrent devant la maison ; ils étaient silencieux, attendaient et, tout à coup, une voix s'éleva, criarde, un homme agita un bâton. Ramon sénior se précipita à leur rencontre, rassura le chaman qui les accompagnait qu'il n'y avait ici que son fils et sa femme, il ajouta : « comme vous l'avez appris de nos traditions, une femme ne peut pas être un chaman. Soyez donc rassurés et rentrez chez vous ! » Ramon expliqua à Pen que la Taté, sa tante, l'avait vue agir et avait tout rapporté au village voisin, alertant le chaman devenu furieux d'avoir un concurrent ; la crainte de perdre son influence l'avait fait réagir.
La famille rassemblée, il fut décidé qu'il était préférable pour tout le monde qu'ils partent rapidement ; le lendemain, avant le lever du soleil, ils quittèrent le village et remontèrent vers la capitale, Ramon senior préoccupé par l'obscurantisme de ses compatriotes, Ramon junior lançant des regards de temps d'orage, Pen mortifiée par ce total imprévu.
Les toits de Rivaz, Lavaux
16 LE RETOUR
Le voyage de retour fut morose. Ramon soucieux pour le devenir de son pays, junior frustré de ne pas en avoir vu suffisamment, Pen affligée de ne pouvoir soulager les plus pauvres parmi les pauvres ; ce fossé entre deux cultures trop différentes, elle ne pouvait le combler ; il y aurait tant à faire pour elle dans cette contrée. Elle comprenait enfin ce que Ramon lui avait écrit le jour de sa disparition : « il n'y a pas de place pour nous deux dans mon pays ». Il fallait donc qu'il revienne s'il voulait vivre avec elle ; ce désir avait été le plus fort.
Fatiguée par les changements de température, l'inconfort des déplacements, le coeur trop lourd, Pen partit se ressourcer quelques jours dans un canton voisin ; marcher le long des bisses, laisser couler sa peine dans le murmure de l'eau, s'assoir sous un pin sylvestre devenu bonzai dans cette région, petit à petit, l'aida à mettre ses idées en place, elle revint avec la certitude du bien fondé de ses résolutions.
Elle reconnut au fond d'elle-même que ce voyage en ce pays lointain s'était transformé en renouveau : en effet, c'était grâce à son intervention auprès de son beau-père qu'elle avait expérimenté le travail de sa main gauche par rapport à sa droite ; elle avait comprit qu'elle pouvait pratiquer dans une même séance son don et la thérapie du respire. Elle n'avait pas besoin d'expliquer son don, d'ailleurs inexplicable, ça, elle l'avait bien remarqué au cour de toutes ces années passées : plus elle tentait de se faire comprendre, plus son interlocuteur lui posait de questions auxquelles une réponse, ou un semblant de réponse, n'ajoutait que confusion ; il ne suffisait pas de dire : « Je suis une antenne », il fallait que l'autre le ressente à l'intérieur de lui-même.
De retour chez elle, elle mit à exécution ce qu'elle avait décidé : elle ferma son cabinet de physiothérapeute, loua deux pièces dans un immeuble nouvellement construit derrière la gare, au-dessus d'un Super Marché et où sa fidèle secrétaire-comptable l'avait suivie, à son grand soulagement. Pen posa alors avec fierté une plaque dorée sur la porte :
Pen Pravoz, thérapeute du respire
sur rendez-vous
FIN
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